Comment le retour d’expérience issu de l’aéronautique permet de concevoir des robots chirurgicaux innovants ?

Quel peut être le rapport entre un cockpit d’avion et la chirurgie robotique ? Aussi surprenant que cela puisse paraître, les robots d’assistance chirurgicale conçus depuis quelques années peuvent s’apparenter à ceux qui ont révolutionné l’activité des pilotes de ligne dans la seconde moitié du XXème siècle. Ce sont en effet des systèmes dynamiques et complexes que l’agence Blanc Tailleur Design R&D maîtrise grâce à ses équipes spécialisées en UX/UI et ergonomie cognitive.

 

Les cockpits d’avions : des systèmes dynamiques et complexes automatisés depuis des dizaines d’années

Les cockpits d’avions ont connu leur révolution technologique dans la deuxième partie du XXe siècle. Plusieurs générations d’automatismes ont depuis été intégrées. La plus importante révolution peut être associée à l’introduction du pilote automatique qui suit un plan de vol prédéfini et renseigné à l’avance. À tout moment, le pilote peut désengager le pilote automatique en fonction des aléas.

Au registre des appareils accompagnant le pilote, on peut citer les systèmes de prévention de risques et donc d’amélioration de la sécurité, avec par exemple la détection du relief ou d’autres avions. Le freinage a lui aussi vu l’introduction d’automates pour réduire le risque de sortie de piste. L’automatisation des communications et de la maintenance réduisent le risque d’erreurs et de pannes éventuelles lors de l’opération (ou visite de maintenance) d’un avion.

cockpit avion & chirurgie robotique

Les cockpits d’avion ont été révolutionnés par les automates au XXe siècle (photo Zorgist via Pixabay).

Du pilote automatique à la digitalisation de l’activité

Le pilote automatique simplifié et basique des premières générations, a progressivement laissé place à des avions gérés par un système informatique et numérique : c’est le Glass-Cockpit qui équipe des avions de ligne comme les Airbus (A320, A380…) ou les Boeing (747, 787…).

Dans les Glass-Cockpits, le numérique remplace les cadrans à aiguilles par des grands écrans plus facilement lisibles et interprétables. De nombreuses commandes y sont ainsi gérées par les ordinateurs de bord, comme la gestion des pannes, la réalisation des check-lists, la consultation de la documentation et la réalisation des calculs de performance.

Caroline Boussiron est Human factor Spécialist et Head UX/UI chez Blanc Tailleur, avec une expertise en cockpit d’avion et en IHM de robotique médicale. Elle nous fait part de son retour d’expérience : « Certaines tâches qui étaient auparavant réalisées par le pilote, grâce à sa dextérité, sont désormais déléguées à des automates. Ces dispositifs gèrent de manière autonome l’atteinte d’un objectif, tout en garantissant le partage de la bonne information aux pilotes pour comprendre la situation et l’action menée par le système ».

L’objectif principal de l’automatisation : la recherche de la performance et l’optimisation de la sécurité

Le premier objectif des constructeurs d’avions pour automatiser les cockpits a été d’améliorer continuellement la sécurité et la fiabilité des systèmes embarqués. Les crashs aériens ont notamment permis d’obtenir bon nombre d’enseignements quant à la façon dont un humain supervisant un système complexe peut voir sa conscience de la situation s’obscurcir dans des situations dégradées. Ces retours d’expérience ont abouti à l’introduction de solutions concrètes quant au comportement des automatismes et les informations relayées aux pilotes. L’objectif est d’optimiser la relation entre l’homme (le pilote) et le système (les systèmes embarqués) dans des situations critiques et peu fréquentes.

En complément, l’essor technologique permet d’améliorer les performances des systèmes. Cela conduit à l’amélioration des performances des avions, notamment leur consommation de carburant.

En résumé, l’automatisation des cockpits d’avions a permis l’amélioration de l’exploitation et de la performance de ces systèmes en optimisant de façon continue l’interaction homme-machine. Cette dernière passe par des informations et alertes relayées aux pilotes pour les guider au mieux dans leur opération et pour tout type de situation.

interface ux/ui cockpit avion

L’automatisation : un moyen de repositionner l’homme au cœur du dispositif

Malgré l’émergence des automates, le pilote reste toujours maître à bord, l’objectif de l’automate étant bien de soutenir l’homme et en aucun cas de le remplacer. Le système automatisé vise à gérer les tâches basiques et redondantes pour permettre au pilote de se concentrer sur celles à forte valeur ajoutée, au diagnostic et à la prise de décisions. Cela permet d’optimiser la performance atteinte ainsi que le niveau de sécurité associé, mais aussi ce que l’on appelle la « conscience de la situation ». Cette notion recouvre la capacité du pilote à percevoir et comprendre les informations transmises par sa machine et son environnement et à anticiper leur évolution, afin de prendre les décisions les plus adaptées.

Les robots chirurgicaux automatisés pour assister le geste médical

Le robot médical : un système dynamique et complexe

Les cockpits d’avion sont définis comme des systèmes dynamiques et complexes dans le domaine de l’ergonomie cognitive. Dans le médical, on commence, depuis une quinzaine d’années, à introduire de tels systèmes équivalents à ceux que l’on rencontre dans les cockpits. En effet, comme le pilote automatique gère le plan de vol, le robot médical va appliquer le plan opératoire et guider le chirurgien.

« On peut se permettre de faire un parallèle avec l’aéronautique, forte d’une cinquantaine d’années de retours d’expériences d’exploitation de systèmes automatisés dans le cockpit, précise Caroline Boussiron. La façon dont les pilotes ont intégré ces automates à leur activité a permis d’améliorer de plus en plus l’ergonomie et la fiabilité des dispositifs. On peut donc capitaliser sur ces avancées, pour les appliquer aux révolutions en cours dans le domaine médical et chirurgical. »

Dans le domaine médical, l’automatisation passe par l’introduction de robots qui vont intégrer des données appliquées au corps humain (imagerie médicale, examens…). Les robots médicaux, comme le Rosa conçu en collaboration avec Blanc Tailleur pour la société Medtech (depuis rachetée par Zimmer Biomet), suivent la même logique que l’automatisation des cockpits d’avion. Il ne s’agit pas de remplacer le chirurgien, mais bien de l’assister dans sa pratique en augmentant l’efficacité opérationnelle.

Zimmer Biomet Rosa Design Par Blanc Tailleur Mise En Application

Le robot Rosa, un dispositif médical robotisé de Zimmer Biomet Medtech, conçu en collaboration avec Blanc Tailleur.

Des robots médicaux intervenant à différents stades

Les premiers dispositifs médicaux, apparus dans les années 80, étaient des bras robotisés permettant au chirurgien d’améliorer la précision du geste lors des opérations et de calibrer ses mouvements.

Aujourd’hui, les systèmes utilisent l’informatique, l’intelligence artificielle, l’IoT et l’analyse des données pour créer des robots chirurgicaux capables de réaliser des actions de plus en plus précises et de plus en plus autonomes. L’objectif, dans le domaine de la robotique médicale chirurgicale, est de rendre le soin le plus performant possible, tout en limitant les risques d’erreurs.

Les robots d’assistance chirurgicale favorisent les procédures peu invasives, en limitant par exemple la taille des incisions. Le rétablissement du patient est ainsi plus rapide et les risques d’infections réduits. Avec un dispositif robotisé, le chirurgien peut opérer en pratiquant une incision de la taille d’un bouton. La chirurgie mini-invasive existe depuis une vingtaine d’années, mais la technologie permet de sécuriser cette pratique, notamment pour les organes situés en profondeur. L’acte chirurgical est grandement fiabilisé grâce à l’assistance robotique.

CHU Amiens : opération chirurgicale inédite d'hernie discale avec Rosa Spine le Robot de Medtech, designé par lancement Tailleur

Une opération de chirurgie sur une hernie discale avec Rosa Spine, robot chirurgical de Zimmer Biomet Medtech

En complément des technologies d’imagerie médicale, cette nouvelle génération de dispositifs permet, pour bon nombre de cas, d’améliorer la préparation de l’acte. Comme pour le plan de vol d’un avion, l’équipe médicale peut définir la « route » à suivre par le robot lors de l’opération. Ainsi, le chirurgien peut préparer et simuler sereinement le plan opératoire avant le jour J, ce qui permet au final de réduire sa durée tout en augmentant sa précision et son efficacité.

Grâce à la conception assistée par ordinateur et à l’intelligence artificielle, les robots chirurgicaux sont désormais capables de diriger le chirurgien vers la zone à opérer en évitant les nerfs, les vaisseaux ou autres obstacles. La connectivité entre systèmes permet aussi de partager les images, le plan opératoire avec d’autres praticiens, sur site ou à distance, avant ou pendant l’acte, afin d’avoir un avis complémentaire.

Quel sera le robot chirurgical de demain ?

« L’étape suivante va naturellement consister à mettre au point des robots chirurgicaux qui puissent agir de manière autonome, mais toujours sous supervision du chirurgien. Ce dernier conservera une position de contrôle et de pilotage plus ou moins proche du patient subissant l’intervention. Comme pour le pilote d’avion, le médecin peut reprendre la main à tout moment et repasser en mode manuel. » précise Caroline Boussiron, Human factor Spécialist et Head UX/UI chez Blanc Tailleur.

 

Caroline Boussiron, Docteur en ergonomie cognitive & Spécialiste UX/UI

Caroline Boussiron, Docteur en ergonomie cognitive & Spécialiste UX/UI

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