Cobrane, avec qui nous avons collaboré sur le dernier triporteur FACOM EM.A au design innovant (Janus de l’industrie 2021), travaille sur un nouveau porteur, lui aussi électrique, mais utilisant l’hydrogène. Quels sont les apports de cette technologie innovante dans le développement des véhicules électriques ?

La pile à hydrogène : comment ça fonctionne ?

Son principe est simple : transformer l’hydrogène en électricité grâce à la réaction avec l’oxygène contenu dans l’air. Quand le véhicule roule, la pile génère du courant qui alimente la batterie. À chaque arrêt, cette dernière se recharge automatiquement. Le système est comparable à celui utilisé pour les véhicules hybrides électriques fonctionnant à l’essence, sauf qu’ici, c’est l’hydrogène qui sert de combustible.

L’utilisation d’une pile à hydrogène comporte plusieurs avantages :

  • plus d’autonomie avec la même batterie ;
  • moins d’utilisation de lithium ;
  • un temps de recharge rapide ;
  • une capacité multipliée par 3 ou 4.

De plus, l’hydrogène est non polluant, car sa combustion ne produit pas de gaz à effet de serre, juste de l’eau et de la chaleur. Incolore, inodore et non toxique, l’hydrogène génère beaucoup d’énergie (33 kWh/kg), soit deux fois plus que le gaz naturel et trois fois plus que le gazole (source).

Les véhicules à hydrogène sont des véhicules électriques : “En ce sens, ils ne sont pas véritablement concurrents, explique Raphaël Colombié, directeur de Cobrane. C’est une technologie complémentaire associée à l’électrique. L’hydrogène fabrique de l’électricité, avec une batterie qui est beaucoup plus petite, car elle se recharge en permanence.”

Les avantages d’un véhicule fonctionnant à l’hydrogène

Le dernier porteur électrique à batteries de Cobrane, le A1-ES-XL dispose en moyenne d’une autonomie de 30 km, avec une recharge complète en 5h. Pour répondre aux besoins de professionnels recherchant une autonomie supérieure, Cobrane a amélioré son concept en travaillant  avec le CEA (Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives). L’objectif : concevoir un système d’hybridation à l’hydrogène dont le prototype devrait être opérationnel en fin d’année.

vehicule hydrogène cobrane

Concrètement, le porteur de Cobrane existant va être légèrement modifié pour permettre l’implémentation de la technologie hydrogène. Cette pile à hydrogène permettra d’arriver à une autonomie de 24 heures en mode WLTP, ce qui permet aux livreurs de faire leur tournée, par exemple. 

Le WLTP (Worldwide harmonised Light vehicle Test Procedure) est une norme mesurant la consommation de carburant des véhicules légers et ses émissions de CO2 et de gaz polluants. Elle remplace depuis 2018 (voitures particulières) et 2019 (utilitaires) l’ancienne norme d’homologation NEDC, en vigueur depuis 1973 et jugée trop théorique. La norme WLTP autorise la mise sur le marché du véhicule. 

La pile à hydrogène est donc une technologie particulièrement intéressante pour des véhicules s’arrêtant fréquemment : livraisons, travaux sur voirie ou espaces verts, collecte des déchets… En effet, les temps d’arrêts permettent à la batterie de se recharger automatiquement.

« Là où auparavant le livreur pouvait faire une tournée avec une batterie chargée, il pourra en faire 3, voire 4. » Raphaël Colombié, directeur de Cobrane.

cobrane hydrogène blanc tailleur

L’hydrogène, encore des verrous technologiques à lever

Industrialiser à un coût raisonnable

Faurecia, Renault, Engie, l’État… Les acteurs de la filière hydrogène en France sont de plus en plus nombreux et importants. Les Coréens et les Japonais, comme le précurseur Toyota avec son Mirai et Hyundai avec sa Nexo, ou encore l’Allemand Mercedes, proposent déjà des véhicules légers fonctionnant à l’hydrogène.

Cependant, les Français ne sont pas en reste :

  • La société de taxis Hype, à Paris, propose une flotte de véhicules à l’hydrogène depuis 2015.
  • Le constructeur de bus SAFRA est le pionnier français du bus à hydrogène. Au départ hybride, ce véhicule de transport de passagers fonctionne aujourd’hui totalement à l’hydrogène. Blanc Tailleur Design R&D a accompagné SAFRA pour le design et l’industrialisation de l’intérieur et de l’extérieur du bus.
  • Le Coradia iLint d’Alstom est le premier train de passagers au monde alimenté par une pile à hydrogène.

Les voitures disposent d’une autonomie supérieure à 500 km, de quoi faire plusieurs courses sans être à sec, y compris sur de longues distances. Le plus intéressant est le temps de recharge : il faut moins de 5mn pour charger complètement la batterie !

Néanmoins, pour se développer, le marché doit être porté par des investissements massifs. L’État a prévu 7,2 milliards d’euros d’ici à 2030 pour son plan hydrogène. L’objectif d’ici 2023 :

  • avoir 5000 véhicules utilitaires légers et 200 poids lourds à hydrogène ;
  • et 100 stations de recharge (1000 en 2030).

Les premiers modèles utilitaires commencent à être commercialisés, notamment par Renault et PSA. La clé du développement de l’hydrogène repose sur les stations de recharge. Si elles ne sont pas plus complexes à mettre en place, elles coûtent beaucoup plus cher qu’une station-service classique.

« Le coût de l’appareil, des stations, de la recharge… il n’y a pas encore de modèle économique autour de l’hydrogène, contrairement au lithium. C’est ce qui va prendre du temps. »

Le CEA travaille sur l’abaissement des coûts de conception des piles à hydrogène, sans nuire à leurs performances et à leur durée de vie (voir cet article du CEA sur sur l’hydrogène et la pile à combustible). L’enjeu est aussi d’optimiser la technologie des accumulateurs au Lithium-ion afin de :

  • gagner en énergie et donc en autonomie de batterie ;
  • gagner en puissance et donc en vitesse de recharge.

 

banc de test pour pile pemfc

Banc de test pour pile PEMFC au CEA (© Dominique GUILLAUDIN/CEA – Malverpix No Comment Studio)

Produire de l’hydrogène vert : un enjeu de taille

La mobilité à l’hydrogène n’a de sens que si sa production est elle-même écologique et ne produit notamment pas de gaz à effet de serre. Aujourd’hui, l’hydrogène fatal (aussi appelé gris) est un résidu de l’industrie. C’est le cas par exemple d’Air Liquide qui récupère l’hydrogène issu de sa production d’hydrocarbures et de ses process industriels.

Mais le recyclage de l’hydrogène gris ne peut être une solution pour la production en masse. Le CEA travaille depuis une quinzaine d’années sur un procédé de production basé sur l’électrolyse à haute température de la vapeur d’eau (EHT). Cette technologie permet de valoriser l’électricité en hydrogène avec des rendements supérieurs. Elle est surtout réversible, c’est-à-dire qu’elle peut produire elle-même de l’électricité en fonctionnant en mode pile à combustible.

L’hydrogène peut aussi être produit à partir de l’énergie éolienne ou photovoltaïque, à l’instar du bâtiment Totem du CEA. Le prototype conçu avec Cobrane va en effet s’intégrer dans ce bâtiment situé à Toulouse Labège : ce bâtiment est équipé de panneaux photovoltaïques qui génèrent de l’électricité stockée dans des batteries et dans des bonbonnes d’hydrogène. Cette énergie alimente le bâtiment et les véhicules à hydrogène qui viennent s’y recharger.

Le rôle du CEA dans le développement de la filière hydrogène 

Les technologies liées à l’hydrogène sont au programme des recherches du CEA depuis la fin des années 1980, car elles participent pleinement à l’objectif de développer des énergies nouvelles et alternatives. Le CEA travaille notamment sur la mise au point de piles à combustibles fonctionnant à l’hydrogène, mais aussi sur des technologies de production d’hydrogène non polluantes.

 

Par ailleurs, l’organisme copilote scientifiquement, aux côtés du CNRS, le programme de recherche sur les applications de l’hydrogène lancé par l’État en septembre 2020. Ce programme s’inscrit dans la stratégie nationale pour le développement de l’hydrogène décarboné.

Pour le moment, les véhicules à hydrogène restent chers à l’achat, même si leur coût de maintenance est plus intéressant. Le développement du réseau de stations de recharge est le frein principal et les premières applications sont professionnelles, avec des stations dédiées. Les travaux de recherche visent à améliorer les performances et l’autonomie des batteries au lithium-ion et à produire de l’hydrogène vert. La plateforme automobile (PFA) estime que la part de l’hydrogène sera d’environ 2 % à l’horizon 2035.

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